Mon rapport à l’IA (Intelligence Artificielle) en tant qu’artiste

En ce moment, on parle beaucoup de l’IA. Ce qui est assez drôle, c’est que souvent, comme image illustratrice, on met un androïde… Mais la plupart des IA sont plutôt des applications, des logiciels, pas des robots humanoïdes derrière un clavier de pc… Et bien sûr, parmi ces applications IA, il y a celles qui génèrent des images. Vous pouvez générer ce que vous voulez, à l’aide d’un simple texte, c’est à peu près ce que disent les articles sur la question.

Bien sûr, c’est un poil plus compliqué : un texte (appelé prompt), ça se travaille. Si vous voulez que l’IA génère une image d’après quelque chose de précis que vous avez en tête, il faut bien réfléchir à ce que vous lui demandez. Et c’est également cela qui va faire votre style, au fil du temps et des générations d’images. L’application prend en compte les commandes photographiques spécifiques par exemple (les objectifs, les pellicules), ce qui nécessite de s’y connaître en photographie et histoire de la photographie.

On a annoncé que l’IA, c’était la mort de l’art et de la photographie. Ben non. Souvenez-vous : on a clamé la même chose lorsque la photographie est arrivée, lorsque l’art conceptuel est arrivé, lorsque les installations sont arrivées, etc. Et en fin de compte, l’art est toujours là, les médiums traditionnels côtoyant les nouvelles technologies.

Pour ma part, en tant qu’artiste, j’utilise toutes sortes de médiums : mes études ont été fondées sur le dessin, la peinture, les installations et le son. Donc, mes carnets de croquis sont hyper importants pour moi (florilège ci-dessous), je ne peux pas me passer de dessin traditionnel.

Ci-dessus, mes 4 dessins dédiés aux Vilaines de Disney. Je pense les refaire dans un autre style (avec d’autres médiums, et peut-être faire des versions à la tablette graphique).

J’y ai adjoint depuis longtemps la tablette graphique, et les logiciels de la suite Adobe (Photoshop, Illustrator, InDesign), qui sont des nouvelles technologies (elles ne sont pas si vieilles que ça). J’ai réalisé mes premières manipulations Photoshop en 2004, et je continue de le faire aujourd’hui pour certains projets. Tout en étant toujours une dessinatrice et une peintre à côté.

Ci-dessus, ma première manip Photoshop, c’était en 2003… (ça me rajeunit pas)

Et ça, ci-dessus, c’est aujourd’hui, en 2024… Je ne suis pas peu fière de passer des heures sur Photoshop pour réussir à en tirer ça ! Elle est pixellisée, don’t panic, c’est normal : ça fait partie d’un projet pas encore terminé, donc… 😉

J’utilise la génération par IA pour des projets bien spécifiques : en tant que designer par exemple, je l’utilise pour générer des images de lieux et d’ambiance, pour des boutiques et des hôtels notamment. Cela aide le client à se projeter dans les idées que je lui propose, en terme de matériaux et de couleurs. Je développe actuellement également un projet photographique en IA autour de Jules Verne. Et je développe également un projet mêlant IA et artisanat d’art français traditionnel. En fait, j’utilise l’IA quand j’ai besoin d’images spécifiques. Et jamais en illustrations, c’est toujours de la photo.

Par exemple, un projet de salon de coiffure :

Comme vous le voyez, les images sont présentes pour générer une ambiance spécifique, je les intègre à mon dossier de présentation clientèle afin de rendre plus facilement compte aux clients de l’idée globale. Je customise les packagings notamment, en intégrant le logo. En revanche, tout ce qui est logo et charte graphique, je le fais via InDesign et Photoshop. Et je sélectionne le mobilier (qui existe réellement), les couleurs. Je suis également capable de fournir les photographies car j’ai une formation de photographe, dans le même style que ce que je propose dans le dossier.

Je sépare donc très clairement mon travail d’IA, qui est plutôt « commercial » de mon travail d’artiste, photographe et illustratrice.

La seule fois où j’ai utilisé l’IA pour créer des illustrations, c’était pour un défi parallèle au Inktober. J’ai fait une partie de l’lnktober traditionnel de Miss Pakotill.

Puis j’ai trouvé plutôt drôle de mixer cet Inktober traditionnel avec un Inktober en IA #wickedwomen (le thème me tentait, on va pas se mentir !). Du coup, j’ai voulu générer des images qui fassent penser à des vieilles affiches de films (genre La Hammer). C’était fun, et ce sont juste des image dont je ne ferais rien à priori (à part les garder !).

Et j’ai voulu aussi, par défi, participer à la AI Fashion Week initiée par Maison Méta. Voici des extraits ci-dessous :

Mon but était de créer une collection inclusive qui irait avec tous les types de morphologies. Je suis fière de ce que j’ai produit. Je n’ai pas les moyens de créer une véritable collection, mais c’est le genre de choses que j’aimerai voir plus souvent sur les podiums ou dans la rue à l’avenir. Bon, et je suis fan de ces chaussures. Définitivement.

On nous bassine avec l’IA génératrice depuis quelques temps. En réalité, les IA sont présentes depuis longtemps dans l’environnement numérique, sans qu’on s’en rende compte. Certaines fonctionnalités de Photoshop fonctionne avec des sortes d’IA par exemple, et sont bien pratiques aujourd’hui pour remplacer facilement un fond (chose que je fais tout le temps sur les manipulations d’images)…

Cependant, je suis consciente que l’utilisation de l’IA rend précaires certaines professions artistiques, au sein de la publicité notamment : il devient tellement facile de concevoir une photographie de type publicitaire (pour un parfum ou une crème de jour) qu’il faut s’attendre à ce qu’il y ait une baisse des commandes photo traditionnelles dans ce domaine. En plus, quand on débute et qu’on n’a pas les moyens d’embaucher un photographe pro, l’IA permet de se lancer plus facilement. Moi-même je soumets parfois des photos de brand concept pour certains projets, mais le client n’est pas obligé de les acheter dans le package du concept global. Les autres types de photos n’ont sans doute pas trop de soucis à se faire : les reporters, les photographes sportifs, les photographes de mode, seront toujours là.

Et il y a également ce problème profond de l’utilisation de l’IA afin de créer des fakes news ou des deep fakes… Mais là n’est pas le sujet de mon article.

Voilà, j’espère que c’était éclairant et que cela vous a donné envie de réfléchir à ce nouvel outil, potentiellement problématique. Pour ma part, je l’utilise vraiment dans des concepts commerciaux, mais je reste fidèle à mes crayons/markers/peintures/Wacom.

Belle journée !

L’Hôtel Dubocage de Bléville, ex-cabinet de curiosités…

En 1707, un homme, navigateur, commerçant et accessoirement corsaire s’embarque sur un navire justement nommé « La Découverte » pour une épopée extraordinaire à travers de multiples pays. Ce voyage le mènera jusqu’en Chine, où il négociera les premiers traités marchands entre la France et les Chinois, après être passé dans le Pacifique, au large du Mexique, en passant par le cap Horn… Il ne rentrera au port qu’en 1716, les cales chargées d’objets extraordinaires, notamment de la vaisselle en argent massif… Il est riche.

Cet homme se nomme Michel Joseph Dubocage de Bléville (1676-1727). A présent qu’il a fait fortune dans le commerce et qu’il a vu du pays, il peut se permettre de racheter un hôtel particulier construit au XVIe siècle à la demande de François Ier. Il agrandit la chose, en modifiant un peu l’agencement, et il s’y installe, avec son fils. L’Hôtel Dubocage de Bléville devient donc un grand lieu de négoce maritime et accessoirement, un véritable cabinet de curiosités (faut dire que c’est à la mode à cette époque)…

Aujourd’hui, que reste-t-il de ce navigateur riche ? Rien. Enfin, non, pas rien : un musée (entrée gratuite), qui aurait peut-être besoin d’un petit dépoussiérage et d’une actualisation, ainsi qu’une révision des éclairages (si je n’avais pas Photoshop, vous n’auriez rien vu des magnifiques objets chinois…). Mais enfin, ce musée a le mérite d’exister, donc, contentons-nous pour l’instant. Si comme moi vous êtes sensibles à la période de navigation la plus extraordinaire de toute l’histoire de France, et que les mots « Compagnies des Indes » vous donnent des frissons, il faut y aller…

En effet, si le rez-de-chaussée de l’entrée contient essentiellement des objets de marines (quelques belles maquettes notamment), en revanche le reste du bâtiment est plus intéressant : la deuxième partie du rez-de-chaussée contient encore les vitrines du cabinet de curiosités(enfin, des copies), qui hélas est mort définitivement. Mais de nombreux détails renseignent sur les merveilles que notre navigateur a rapportées d’ailleurs…

Après l’acquisition du bâtiment par la ville en 1909, on le rebaptise « Maison des Veuves », car il accueillait les veuves de marins. Au premier étage, il y a des maquettes de différents bâtiments de la ville, détruits pendant les bombardements de 1944 (je me demande encore ce qu’elles font là, mais bref). On se demande comment ce bâtiment du XVIe siècle est resté debout. Enfin, il était très abîmé, il a été restauré, et plutôt bien, en 1955…

Le Grand Théâtre, 1844, détruit en 1944

Le Musée des Beaux arts / Bibliothèque, 1843, détruit en 1944

Le Palais de la Bourse, 1880, détruit en 1944

Très belle collection de porcelaine de la Compagnie des Indes, un legs fait au Musée, une petite partie de la Chine Impériale a survécu au Havre ! Quelques objets valent la peine qu’on s’y arrête.

Un baromètre de Goethe en verre, assez exceptionnel

Très belles sculptures en pierres dures…

Une maison traditionnelle chinoise par Jules Gosselin, fin XIXe siècle

Un extraordinaire fac-similé ! Il s’agit d’une copie fidèle du livre « Le rêve dans le pavillon rouge », Chine, 1715-1764, fac-similé offert au Havre en 2007

Donc, en gros, plutôt pas mal. Bon, c’est vrai que l’ambiance n’y est pas (messieurs les conservateurs et directeurs, entourez-vous de personnes très compétentes en valorisation, c’est très important, il ne s’agit pas juste d’aligner des objets en vitrine, il faut faire vivre un musée), et si vous avez visité le musée de la Compagnie des Indes de Port-Louis, vous serez forcément déçus par celui-ci, mais quelques objets sont vraiment beaux et inhabituels, donc, allez-y quand même !

Belle journée !